Pas si facile de manager

Le manager est un jardinier. Il sème des graines, en trouve parfois des sauvages. Il en prend soin : de l’eau, des nutriments, de l’attention, du respect. La petite pousse aura peut-être besoin d’un tuteur pour trouver sa place…. Mais sans contrainte. Avec tout ça, le jardinier peut espérer apprivoiser chaque brin d’herbe et voir apparaître les fleurs.

«Tu es responsable de ce que tu as apprivoisé, a dit un jour le Petit Prince »

« Alors tout ce que j’ai fait jusqu’à présent ne suffit pas ? » lui répond le manager

« Non, toi et ton jardin ne faites qu’un mais tu ne le sais pas encore….. »

L’organisation des entreprises est souvent pensée à travers la gestion et les procédures, pas assez par le projet qu’elles portent. Cela peut être immobilisant et entraîner une perte de sens et de valeurs, voire une déshumanisation.

Le manager et les équipes ne s’y retrouvent plus et souhaitent changer de cap. Le manager

doit alors développer son art singulier : celui de manager en construisant avec l’équipe un cadre vivant. Pour cela, il doit remettre en scène la dynamique de projet. Il s’agit de tout questionner à nouveau et ce peut être déstabilisant, chercher le déséquilibre pour retrouver un équilibre. En ce sens, l’immobilisme est sécurisant et le changement peut faire peur.

Certes, il appartient au directeur de formaliser sa vision, il lui appartient de trancher. Mais son rôle est d’accueillir la parole de chacun, de la reconnaître et de croiser les différents regards sur le projet. Le management participatif aura alors tout son sens pour que chaque participant co-construise.

Pour autant, ce type de management suffit-il ? Nous avons besoin de créer des conditions de travail qui permettent de respirer, de s’inspirer, de libérer les énergies et les potentiels. C’est une nouvelle responsabilité du manager, pour lui-même et pour les autres.

C’est ainsi que la rencontre avec les artistes et la nouvelle vague créative nous ont permis d’expérimenter une autre approche qui crée des conditions d’épanouissement de la créativité, de compréhension de soi-même et des autres dans son métier, de responsabilisation et d’humanisation des relations. L’art est un outil précieux pour le manager : il facilite l’expression des idées, des émotions, il crée du lien, permet l’humour,  la transversalité et le plaisir partagé ; il travaille la confiance, l’esprit d’équipe, le sens du travail au quotidien et améliore donc la relation à l’Autre.

Le manager part d’un constat de terrain, d’un besoin d’amélioration ou de recherche de solutions très souvent à la demande des équipes ou à l’occasion d’un bilan. Il a pour objectif de travailler un savoir- faire, un savoir-être, un positionnement, un aménagement. Pour cela, il va devoir accompagner un changement individuel et collectif. Cet objectif sera le fil rouge des actions menées afin de garantir un cadre dans lequel chacun se met en mouvement. Dès lors, l’équipe de direction ou bien les éducatrices de jeunes enfants parfois même les équipes imaginent une approche créative : création d’objets, enquêtes à mener, expression de la thématique choisie par le mouvement, le chant, le théâtre ; affichages avec déambulation en musique. La consigne est de mettre en lien tous les éléments nécessaires à prendre en compte pour imaginer le projet. L’attention des professionnelles est mobilisée autrement. Il est nécessaire de partir de la réflexion individuelle pour aller sur la mise en commun. C’est une manière d’optimiser le peu de temps imparti à la réflexion. Le travail en amont est considérable mais les résultats obtenus peuvent être surprenants et inattendus. C’est un cheminement de chacun en même temps qu’une évolution du projet pédagogique voire du projet éducatif.

 

Alors, vient le temps des récoltes. A chaque récolte, on fait le point : le chemin parcouru, le jardin tel qu’il est maintenant par rapport à hier, ce qu’il reste encore à accomplir. Effectivement, le jardinier et le jardin ne font qu’un : sans le jardin, le jardinier n’est pas et sans le jardinier, le jardin n’est pas. Ce qu’on avait imaginé n’est pas forcément advenu : tant pis, chacun en apprend toujours quelque chose,  et parfois tant mieux, car l’œuvre créée dépasse nos espérances.

Le manager prend dès lors toute la mesure de la relation humaine, sa complexité, sa magie, sa beauté, et combien elle est incontournable dans la mise en œuvre d’un projet et dit au Petit Prince :

 

«Finalement, ma plus belle réussite, ce sera de voir chaque brin s’autonomiser et devenir lui-même le jardinier. »

Brigitte De Gennaro, Directrice crèche « Les Garriguettes » – Maison de la Famille- Marseille